Après
avoir exploré quelques pays d’Asie, Anne Marie voulait parcourir
les hauts plateaux du Pérou. Le Sentier Lumineux et les Tupa
Maros nous ont fait remettre ce voyage à plus tard et finalement
nous optons pour une région de l’Himalaya,
le Ladakh au nord de l’Inde.
Fin juin, nous prenons l’avion avec tout notre chargement à
destination de Delhi. Nous sommes inquiets en arrivant à Roissy
car nous dépassons d’au moins 20 kg en bagages le poids autorisé
mais finalement avec un peu de culot, tout se passe bien.
Après une courte nuit à Delhi, nous trouvons un
bus semi deluxe (appelation locale) pour rejoindre Manali au pied
de l’Himalaya.
Old Manali
dans l'Himachal Pradesh
Après 3 jours d’acclimatation à 2500 m d'altitude,
nous nous lançons sur la 2ème route la plus haute du monde.
Il faut d’abord franchir le Rothang La. C’est une simple formalité,
il ne fait "que" 3978 m.
Le col suivant,
le Baralacha La est déjà plus sérieux avec ses
4890 m. Il est assez long, et avec beaucoup de vent mais finalement
pas trop dur.
Notre voyage se poursuit en alternant, camping sous notre micro
tente, camp de yourtes ou guest house sommaire. Les étapes sont
courtes, il nous faut respecter les règles de progression en haute
montagne afin de ne pas être touchés par le mal aigu des montagnes
(MAM).
Nous mangeons
au hasard de la route dans des dhabas (relais routiers sommaires) où
l’alimentation c’est le sempiternel rice dhal et chapatis (mélange
de beaucoup de riz avec un peu de lentilles ingurgité avec des
galettes). Après Zing Zing Bar où il n’y a même
pas d’eau à boire, notre voyage se complique avec les Gata Loops.
En gros, c’est comme l’Alpe d’Huez (il y a 21 boucles mais elles ne sont
pas numérotées), à parcourir entre 4000 et 4600
m, sur une route défoncée et avec 20 kg de bagages. Nous
avons parfois
des gués à franchir, profonds de plus de
50 cm, ce qui nous permet de nous rafraîchir les jambes avec l’eau
qui dégouline des glaciers. Dans ces moments là, nous apprécions
nos nu-pieds Shimano et nos sacoches étanches Ortlieb.
Pour clore le tout, il faut encore franchir les Nakeka Pass à
5000 m et redescendre par une route recouverte d’une espèce
de farine de roches décomposées.
Je tombe (sans bobo) dans un trou que je n’avais pas vu et me relève
tout gris de poussière des pieds à la tête.
Pour passer
la nuit, nous nous arrêtons dans la vallée à Whisky
Nulla à 4800 m d’altitude. Le nom est sympathique mais le lieu
n’est pas très accueillant. Compte tenu de l’altitude, nous demandons
l’hospitalité à des cantonniers qui dorment à une
vingtaine sous une grande tente. C’est un grand moment que de nous
retrouver là, parmi tous ces hommes tout noir de peau et de fumée
de goudron. Celui qui a le sourire, c'est celui qui dort près d'Anne
Marie. Réveillés à 5h 00 du matin par les Indiens
qui partent travailler, nous nous envoyons un bon café avec des
biscuits secs avant d’attaquer le Lachalung La.
Depuis notre campement, mes indications me donnent 3 km de montée,
il en fait en réalité 7 km que nous mettons 2h00 à
gravir. Anne Marie a d’énormes difficultés à
retrouver son souffle à chaque pause et c’est à l’énergie
qu’elle passe le Lachalung La à 5060 m.
Nous ne traînons pas au sommet pour redescendre dans la
vallée. Nous décidons de sauter en bus le col suivant,
le Taglang La avec ses 5328 m.
Dans la descente du Taglang La, nous reprenons nos vélos
pour finir ce premier parcours et arriver à Leh, capitale du
Ladakh, le Tibet indien.
Quelques jours
de repos à Leh sont les bienvenus avant de
poursuivre notre voyage dans la vallée de l’Indus jusqu’à
la frontière indo-pakistanaise.
gompa
de Thiksey
et
Potala de Leh
ladakhi en habit traditionnel
Pour pénétrer dans cette zone de conflit entre
le Pakistan et l’Inde, nous avons
obtenu un "Tourist Permit" qui nous autorise à
y circuler pendant 7 jours.
quand il n'y
a plus de place, il y toujours de la place
repas de midi à l'ombre
Pour accéder au village de Dah Hanu, il faut porter
et pousser nos vélos puisqu’il n’y a pas de route mais
un chemin de marches grossières et de cailloux dans
la montagne.
Dans ce village perdu, subsiste une tribu de Dardes Dokpas qui
sont des aryens, lointains descendants d’Alexandre le Grand.
Le chapeau sur la tête de la dame
c'est un "kho" qui fait très classe..
Anne Marie
a trouvé quelqu'un à qui parler chiffons
Au retour
sur Leh, nous visitons les magnifiques gompas (monastères bouddhistes)
de Lamayuru et
d’Alchi. La nourriture locale commence à nous peser et
nous avons des fantasmes bien franchouillards de steaks frites et de
Beaujolais.
La température sur la route dépasse les 50°C
alors que nous
nous promenons avec tout l’équipement d’hiver, au cas ou.
Progressant
sur notre chemin, une jeep nous double et freine brutalement devant
nous. Trois militaires armés en sortent rapidement, épluchent
nos papiers et nous demandent les raisons de notre voyage dans ces lieux.
Finalement, ils nous laissent repartir avec un sonore "you are the
best " assorti d’un grand sourire.
Lamayuru
A partir de
Leh, je me suis lancé seul à l’assaut du Khardung La,
plus haut col routier au monde. Après une première tentative
infructueuse durant laquelle la police me fait rebrousser mon chemin
à 15 km du sommet, je repars quelques jours après avec une
autorisation officielle pour franchir le sommet à 5606 m. C’est
incroyable de se voir arriver là à vélo, 800 m plus
haut que le Mont Blanc.
Notre voyage se poursuit dans la Nubra Valley près de
la frontière chinoise où nous rencontrons le Dalai
Lama qui visite le village de Sumur. Tous les Tibétains
de la région sont rassemblés en grande tenue traditionnelle,
c’est vraiment très beau.
Nous assistons même à un enseignement bouddhiste
en tibétain parmi une assemblée de moines et
de tibétains.
prières
de l'assemblée
musiciens
accompagnant le Dalai Lama
Au monastère de Phyang, une grande fête avec danses
et musique traditionnelle de trompes, tambours, flûtes, nous donne
l’occasion d’admirer des masques Chams très colorés.
spectateurs
attentifs à Phyang
repas dans un dhaba
Après le Ladakh, nous redescendons de nuit
des contreforts himalayens en bus very deluxe
pour nous rendre à Darhamsala.
A 3 heures du matin, alors que nous somnolons dans le bus, l’aide
chauffeur nous annonce que nous sommes arrivés. Vite, il faut
remettre nos chaussures, récupérer toutes nos sacoches puis
foncer sur le toit du bus, la lampe de poche entre les dents pour redescendre
nos vélos avant que le bus ne nous abandonne dans la nuit. Il
ne nous reste plus qu’à attendre stoïquement le jour sur
un tapis d’entrée d’immeuble parmi les vaches sacrées et
les ânes qui nous ignorent superbement. Darhamsala, est le siège
du gouvernement tibétain en exil depuis 1952. On y voit quantité
de moines bouddhistes mais aussi
une misère sordide faite de lépreux, de gens difformes
qui traînent dans la boue pour mendier quelques roupies.
Nous retournons ensuite sur Delhi pour reprendre notre avion du
retour. Nous en profitons pour goûter aux joies du train indien
avec ses 10 classes de voyageurs en allant visiter le Taj Mahal, chef
d’œuvre de l’amour total ce qui donne des idées à Anne
Marie.
Le séjour dans la capitale est éprouvant. C’est
la mousson, la chaleur et l’humidité combinées à
l’hygiène désastreuse, à la pauvreté et
à la saleté omniprésente, au bruit permanent,
nous font pousser un ouf de soulagement lorsque nous arrivons à
l’aéroport.
Les mesures de sécurité sont appliquées dans
toute leur rigueur et il nous faut passer nos vélos aux rayons
X
pour les embarquer.
Après 1 mois et demi passé en Inde sur des routes
épouvantables, le bilan est d’1 crevaison, de 2 rayons cassés,
de 3 kg perdus, de 6 paires de patins de frein usés jusqu’à
la corde et de quelques touristas fulgurantes. Dans ces conditions, nous
sommes prêts à repartir pour une autre destination.