Partir avec des vélos
dans des sacoches, le jour de la tempête de décembre, en
TGV, en métro, en bus et enfin en avion, c'est le début de
notre aventure au Vietnam. 15 heures de vol plus tard, nous nous posons
enfin sur l’aéroport de Noi Bai. Arrivés à Hanoï,
nous remontons nos vélos sur le trottoir de l'hôtel, c'est
une véritable attraction comme tous les jours d'ailleurs où
tout le monde vient nous regarder. Nos vélos étonnent les
Vietnamiens par leurs couleurs, la taille des pneus et les équipements.
Au Vietnam, la plupart des vélos sont gris, sans vitesses voire sans
freins. Il n'est pas rare de voir des pneus hors d'age renforcés par
du
scotch . Après
une première nuit bruyante comme toutes les suivantes d'ailleurs
(klaxons, karaoké), nous démarrons notre périple
en nous joignant à la circulation hanoienne. Les premières
minutes sont hésitantes avec des vélos qui nous croisent
dans tous les sens. Personne ne respecte le moindre code de la route, ni
droite ni gauche, feu vert ou rouge, c'est la même chose mais nous
réussissons quand même à quitter la capitale. Pour
cela, c'est facile il suffit de suivre la voie ferrée Hanoi-Saigon.
Dans les campagnes, tout le monde s'active, les femmes repiquent
le riz, les hommes transportent des mottes d'argile rouge pour renforcer
les digues dans des charrettes à bras. Le buffle est mis à
contribution pour tous les travaux des champs. Chaque village à
son marché, très riche en couleurs et en odeurs. Les cochons
sont
transportés du nord au sud et du sud au nord sur le toit des
bus, les sièges des motos ou les porte bagages des vélos.
Nous avançons lentement (15 à 18 km/h), l'état
des routes ne se prête pas aux cyclosportives et le VTT serait
plus adapté. Les routes sont en permanence en travaux. Trous et
bosses se succèdent malgré la DDE locale, pleine de bonne
volonté mais sans moyens. Les trous sont bouchés à
la main avec des cailloux, le goudron versé à l'arrosoir
et le tout est terminé par une poignée de graviers jetés
à la volée. Après 3 jours de vélo, un grand
moment nous attend, le passage à l'an 2000, 6 heures avant la France
et sans bug informatique avec les compteurs de nos vélos. Pas d'extra
au programme, dans la chambre de notre hôtel nous dégustons
tiède la 1/2 bouteille de champagne amenée de France dans
nos sacoches et partons ensuite chercher de quoi manger. Mais en dehors
des villes touristiques, il n'y a pas le moindre restaurant et nous nous
contentons
du repas traditionnel vietnamien sur la rue: soupe, riz, et rien
d'autre… Pour un réveillon, ce fut un réveillon économique.
Nous repartons donc au matin du 1er janvier le ventre léger et
sans GDB. Les bornes kilométriques, souvenir du passage des français,
ne sont pas d'une grande utilité, indiquant tout sauf la prochaine
ville.
Les agglomérations traversées ont souvent plusieurs
noms, heureusement la poste repérable par son antenne, mentionne
systématiquement le nom actuel. De plus, elle est ouverte de
6 heures à 21 heures (ils ne connaissent pas encore les 35 heures!).
Des rizières, toujours des rizières, la route monotone
et plus que défoncée nous oblige à emprunter les
transports en commun vietnamiens. Les vélos sont hissés
sur le toit (avec les poules et les cochons), nous grimpons dans le car
avec nos 9 sacoches. Il y a 50 places assises mais nous sommes au moins
80, entassés sur les sièges, les tabourets et les
hamacs. Si l'on veut être au contact de la population locale,
il n'est pas possible de faire mieux. Tout cela pendant 8 heures pour parcourir
250 km de route défoncée.
Miracle, nous pouvons reprendre nos vélos après cet
intermède et arriver à Hué au centre du Vietnam.
Le changement est total par rapport au nord, bien que nous soyons
en hiver, il fait très beau (grand soleil, 25/30°) et la végétation
est tropicale (bananiers, cocotiers, palmiers). C'est un rêve
de pratiquer le cyclotourisme dans ces conditions. Nous faisons une halte
de trois jours à Hué pour visiter cette ancienne ville impériale
riche en sites historiques et culturels. Nous en profitons aussi pour
nous requinquer au niveau alimentaire, à la place du riz nous mangeons
désormais des pâtes. Nous nous sommes fixés comme
but d'aller jusqu'à Hoi An à
100 km au sud de Hué, mais pour y arriver il faut franchir
le célèbre et redoutable col des Nuages. Nous passons une
nuit paradisiaque sur l'île de Lan Co (hôtel en bord de mer
et bain en mer de Chine) histoire d'être en forme pour gravir le col.
Dans la montée, nous arrivons même à doubler
les camions qui crachent et fument de partout, certains moteurs
n'iront pas plus loin. Il faut se faufiler dans un embouteillage monstre
de camions et de cars sur la route en travaux, des pluies diluviennes ayant
emporté des portions de chaussée. Deux heures d'efforts
et voici un col de plus pour notre brevet des 100 cols, mais à 496
mètres seulement. Sa réputation est justifiée,
nous sommes dans les nuages. Après les montagnes de marbre et ses
sculpteurs de bouddha, nous arrivons en roue libre sur Hoi An. L'ancien comptoir
colonial possède de nombreuses maisons en bois et pagodes colorées.
Nous profitons de cette
étape pour nous laisser guider en barque sur le fleuve.
Le voyage de retour vers le Nord se fait en bus de tourisme à
peine plus confortable. Il nous reste une semaine pour parcourir le
Tonkin au gré de notre inspiration et de nos cartes approximatives.
Tantôt l'autoroute, tantôt la digue, parfois le bac, de
village en village où nous faisons toujours sensation lorsque
nous nous arrêtons.
Le pique nique de base se résume à la soupe locale,
voire au casse croûte "vache qui rit" et bananes le tout arrosé
d'eau ou de thé (non merci, pas vraiment) ou de bière
chaude (il n'y a pas de frigo). Les hôtels sont folkloriques, cela
fuit de partout dans les sanitaires et l'installation électrique
(généralement dans la
douche) est antique. Les draps sont rares, heureusement, nous avons
emmené avec nous nos sacs à viande. Notre périple
se poursuit vers l'Ouest dans la montagne où vivent les minorités
ethniques Hmongs et Thaï. Cela se mérite, la route est particulièrement
dure et Anne Marie veut même poursuivre à pied. Après
quelques fortes paroles de réconfort de ma part (tu vois tout ce
qu'il nous reste à faire!!! ), elle repart ragaillardie.
La récompense
est au bout, les paysages sont superbes et les villageois très
accueillants. Le repas du soir est pris assis en tailleur sur la natte
dans une maison sur pilotis Thaï. Au retour dans la descente, nous
sommes victimes d'une chute générale, heureusement sans trop
de gravité et Anne Marie doit une fière chandelle à
son casque.A Hanoi après 1200 km de vélo, c'est bien agréable
de se laisser guider en cyclo pousse, en car et en bateau pour quelques
excursions dont l'incontournable baie d'Along en jouant aux parfaits touristes
; Dans la capitale la circulation est infernale, vélos, motos et
mobylettes se croisent sous l'œil impuissant des policiers mais nos vélos
restent sagement à l'hôtel.
Nous terminons par quelques achats de souvenirs de petit volume
pour rentrer dans les sacoches, comme dit Anne Marie: la soie c'est pas
lourd. Après un mois au Vietnam, il faut regagner la France. Le
choc est rude à Roissy, il fait - 5° (alors que nous sommes
en nu pieds) et il nous faut reprendre le travail le lendemain.
Anne Marie et Alain Barthel